🔴 Dans la vie d’un coureur cycliste, il y a un avant et un après. Chaque année, ils sont près d’une quarantaine à disputer leur premier Paris-Roubaix… une expérience qui reste inoubliable quelle que soit l’issue de ce grand baptême du pavé. D’ici au 14 avril prochain, quatre des débutants de l’édition 2018 témoignent avec un peu de recul et pour paris-roubaix.fr de cette initiation pas comme les autres. L’Italien Iuri Filosi y a cumulé les galères, mais ne demande qu’à revenir.
« On l’appelle l’Enfer du Nord, et j’ai compris pourquoi. » On peut avoir été fasciné depuis son canapé, bercé d’anecdotes sur Francesco Moser (triple vainqueur de 1978 à 1980) et façonné à l’école italienne, rien ne vaut la première expérience des pavés de Paris-Roubaix. C’est un choc, douloureux, mais qui s’est bien terminé pour Iuri Filosi : l’Italien de Delko Marseille Provence a amené dans les délais son corps perclus jusqu’au mythique vélodrome l’an dernier, finissant son premier Roubaix à la 99e place, à 23 minutes du vainqueur Peter Sagan.
« J’avais mal », souligne le jeune coureur italien au moment de replonger dans ses souvenirs de novice sur une épreuve impitoyable. Les difficultés ont commencé tôt pour lui : une chute dès le premier secteur pavé, alors qu’il espérait prendre part à l’échappée. Ensuite, journée galère dans l’Enfer du Nord : « Ça n’en finissait pas… Oui, rien que d’y penser ça me fait encore mal un an après », sourit-il en se tenant le poignet gauche. « Ça a été une souffrance toute la journée mais je voulais finir pour ma première. Et je l’ai fait. Je suis arrivé 99e sur 101 classés, mais je l’ai fait. »
« Le plus dur,
je pense que c’est la forêt d’Arenberg.
Le vélo n’avance pas. »
En fait, les difficultés pointaient déjà avant la course pour Iuri Filosi. « J’avais eu un hiver difficile, j’avais perdu des jours d’entraînement parce que j’étais malade et je n’avais pas les jambes que je souhaitais », se souvient-il. « Mais je voulais absolument le faire et surtout finir. C’était une expérience très dure. » Une expérience douloureuse qui a longuement poursuivi l’Italien : « Après Roubaix, j’ai eu une tendinite au pied qui m’a tenu pendant bien quatre-cinq mois. C’était difficile rien que de m’entraîner ou de courir parce que j’avais très mal. »
Avant d’affronter les pavés, la journée commence à Compiègne, avec les derniers préparatifs sur la place du Château et le départ en milieu de matinée. Pour Iuri Filosi, un petit coup d’oeil vers Sagan et autres Greg Van Avermaet, les « phares de la course », et la pression monte rapidement. « J’étais stressé, explique-t-il, je ne savais pas à quoi cela pourrait ressembler. Avec l’équipe on voulait être devant. J’ai été un peu malchanceux parce que j’ai été pris dans une chute sur le premier secteur pavé. Je suis rentré après une trentaine de kilomètres, il n’y avait plus que Julien (Trarieux, son co-équipier qui finira 98e) et moi. » Ensuite, re-belotte, ou presque : « Trentin est tombé. Je l’ai esquivé mais j’ai dû aller dans le champ. Il m’a encore fallu 20 kilomètres pour rentrer. J’ai abîmé mon vélo, j’ai dû changer de chaussure… »
L’Enfer du Nord n’est pas réputé pour son indulgence avec les novices et Iuri Filosi affronte les pièges de la route en petit comité. « On a fait les 90 derniers kilomètres, même plus, à trois ou quatre coureurs… » Tout sauf une promenade de santé, ou une visite touristique, mais l’Italien découvre tout de même une atmosphère et des terres mythiques. « L’ambiance sur les secteurs pavés… Quand je voyais ça, ça m’impressionnait mais à faire, c’est incroyable, sourit-il. L’adrénaline te porte. »
« Le dernier secteur est beau, tu sais que tu l’as fait, tu vas arriver », décrit-il. « Le plus dur, je pense que c’est la forêt d’Arenberg. Le vélo n’avance pas. » Au point de faire de ce secteur « le plus bel endroit de m**** du cyclisme », comme l’a expliqué un jour son compatriote Filippo Pozzato (2e à Roubaix en 2009) ? « C’est exactement ça », s’amuse le jeune Iuri Filosi, dont l’expérience sur les pavés avant ce baptême du feu se limitait à « quelques classiques belges courues avec Nippo. Il y avait 10 ou 15 kilomètres de pavés. Alors presque 60 comme à Roubaix… »
Pour Iuri Filosi, finir ce premier Enfer du Nord a été « un accomplissement personnel. Ça te montre aussi quel coureur tu es, c’est une épreuve du feu. Tu vois si ça vaut la peine de se concentrer sur ce genre de courses ou si ce n’est pas pour toi. » De fait, la course est à nouveau à son programme cette année. « J’espère pouvoir me faire plaisir », se projette-t-il.