Le rideau est tombé sur un Tour de France qui restera celui de l’indécision. Dans la course au Maillot Jaune, c’est inhabituel que les trois premiers se tiennent en moins de trente secondes au matin de la dernière étape décisive.
Inhabituel aussi que le maillot de leader change en deuxième moitié de course. Inhabituel encore qu’un final avec des rampes à 16%, sur un chemin récemment asphalté, renverse la course. Ça s’est produit à Peyragudes, et l’événement a rappelé La Vuelta à beaucoup de connaisseurs du cyclisme.
Parce qu’il s’agit, chronologiquement, du troisième des trois Grands Tours, La Vuelta est ouverte à beaucoup plus d’ambitieux que les deux précédents. L’état de fraîcheur hétéroclite des différents protagonistes vers la fin de la saison se prête aux défaillances. Chris Froome en sait quelque chose : il n’a porté le maillot rouge de leader qu’une seule journée, à sa première participation, en 2011, au lendemain du contre-la-montre de Salamanque, avant de le rendre à son leader de l’époque, Bradley Wiggins. Au cours des six dernières années, il a disputé cinq fois La Vuelta : 2e en 2011, 4e en 2012, 2e en 2014, abandon suite à une chute en 2015, 2e en 2016.
Les années olympiques, il est fatigué par les Jeux qui impliquent une grande tension et parfois un long voyage. C’était son grand handicap l’an passé par rapport à Nairo Quintana qui, déçu de sa prestation au Tour de France (3e), s’est épargné le déplacement à Rio de Janeiro pour prendre sa revanche à La Vuelta. Si Froome s’aligne une sixième fois au départ, à Nîmes dans le sud de la France, non loin de son domicile monégasque donc, c’est pour enfin l’emporter et démontrer qu’enchaîner deux Grands Tours victorieux la même saison n’est en rien surhumain. Il a bâti son calendrier en conséquence : une entame légère, aucune victoire avant le Tour de France et un pic de forme programmé au début de la troisième semaine du Tour pour conserver des ressources pour La Vuelta.
Chris Froome adore La Vuelta. Mais il sait par expérience que c’est le royaume des revanchards. Les engagements des équipes restent à confirmer, cependant, quelques-uns de ses rivaux du Tour de France ont exprimé leur intention ou leur envie de relancer l’assaut au Britannique : une première pour Romain Bardet ? Un adieu pour Alberto Contador ? Une validation de son succès de 2015 pour Fabio Aru ? Un trident pour Simon Yates associé à son frère Adam et à Esteban Chaves ?
Le public du Tour a aimé Warren Barguil. Le maillot à pois est né à l’ambition sur La Vuelta 2013, remportant les étapes de Casteldefells et du Formigal, et le Tour 2017 n’était pas terminé qu’il indiquait vouloir rajouter La Vuelta à son programme. Les internautes ont désigné Thomas De Gendt comme coureur le plus combatif du Tour 2017, sans savoir que, depuis un an qu’il s’est imposé au Chalet Reynard, sur les pentes du Mont Ventoux, son désir le plus fort est de remporter aussi une étape de montagne prestigieuse sur La Vuelta après celle du Stelvio au Giro 2012. Attendra-t-il l’Angliru ?
Le premier vainqueur de La Vuelta de la décennie en cours, à savoir le premier à avoir reçu à Madrid le maillot rouge qui a succédé au jersey de oro, c’est Vincenzo Nibali. Pour lui aussi, il y a de la revanche dans l’air. Cette année, il n’a pas gagné le Giro ni participé au Tour. Un grand regret de sa carrière est La Vuelta 2013 qu’il a laissé filer entre les doigts du vétéran Chris Horner. Le « requin », comme Contador, Bardet et Aru, est friand des finals brutaux qui font la marque de fabrique de La Vuelta. L’esprit de Peyragudes revient très vite sur les routes de France : rendez-vous à Nîmes le 19 août pour le Grand Départ de La Vuelta.